Cyclovolcanique: Un printemps rose.

velo conceptRetour des aventures de nos deux Globe Trotters Quebecois, Janick Lemieux et Pierre Bouchard, lors d’un de leurs périples initiatiques et paysagers au Japon.
En temps réel, leurs aventure mondiale Cyclovolcanique, le Cercle de Feu du Pacifique, devrait trouver son épilogue à la fin du Printemps 2009, avant d’entreprendre un autre Tour du Monde, celui des conférences, avec l’espoir de les voir en France à cette occasion.
En route pour quelques épisodes au pays du Soleil Levant.

# Un printemps rose.

Fierté de la ville d’Aizuwakamatsu, encerclé de douves et sakuras, le château de Tsuruga, érigé en 1384, était la place forte du clan Aizu. Un siège de l’armée impériale en 1868, lors de la restauration Meiji, aura eu raison de l’institution féodale et ses samouraïs. On l’a reconstruit en 1965.
Avions le souvenir qu’avec discrétion et respect il est possible—et surtout pratique…—de camper dans les parcs municipaux du Japon.
En atterrissant l’après-midi à l’aéroport archiachalandé de Narita, à l’orée du Tokyo métro, ne nous inquiétions donc pas de n’avoir aucune réservation à l’hôtel. Nos passeports estampés, improvisons un atelier de mécanique devant la porte du débarcadère des arrivées afin de raviver nos Devinci et réorganiser le contenu de nos sacoches puis nous lançons sur les routes de la préfecture de Chiba. Mettons le cap vers la baie de Tokyo, confiants de dénicher un espace vert muni de tables à pique-nique et WC, un endroit où installer nos quartiers. À peine 10 kilomètres hors de la zone aéroportuaire qu’un «spot» de rêve se matérialise: une lisière de pelouse «meublée et éclairée», plantée de cerisiers en fleurs, les fameux sakuras, emblèmes du printemps japonais….

Au terme d’une longue journée et secoués par un léger choc culturel—étions encore à Bali une douzaine d’heures auparavant…—, montons la tente sous l’un de ces arbres poétiques puis popotons, festoyons et contemplons avant de nous effondrer. Des rires et vagues de «So, so, so, so, so » approbateurs, l’une des exclamations les plus prisées des Japonais, nous réveillent vers les 23h00. Dézippant la porte de notre Hubba Hubba pour en connaître la source, découvrons des dizaines de groupes installés sur des bâches bleues, les femmes agenouillées et les hommes assis les jambes croisées, un verre de bière, shochu ou saké à la main. Les charbons ardents de leurs hibachis doraient brochettes de poulet (yakitoris), boeuf et calmar. On célèbre les saisons religieusement ici et observions pour la première fois le rituel de l’hanami, grosso modo l’adoration des fleurs printanières, surtout celles du sakura…voilà une information pratique puisqu’en pédalant vers le nord et Hokkaido à cette époque de l’année, progresserons avec la floraison des cerisiers: un printemps rose en perspective!

Notre rencontre avec Mitsouko immortalisée au parc du cap Futtsu, sur les bords de la baie de Tokyo.
Plions bagage. Époussetons vélos, sacoches et tentes de leurs flocons parfumés et reprenons la route. Faisons un premier arrêt dans un 7-Eleven, histoire de nous débarrasser de notre sac de déchets et y consulter les Super Mapple en kiosque, atlas routiers à grande échelle reproduisant le pays insulaire préfecture par préfecture. Dehors, dans le stationnement, une femme revenant de son quart de nuit à l’aéroport nous interpelle. Réalisant que nous ne parlons pas japonais, elle nous demande en mimant où nous serons le lendemain afin de nous rejoindre car elle sera en congé…ce que nous croyons comprendre, du moins! Parcourons donc du doigt les pages de notre atlas routier national Shobunsha en romaji (transcription de l’écriture japonaise à l’aide de caractères latins) pour lui montrer notre itinéraire. Elle nous sert un «So, so, so, so, so» à son tour avant de nous remettre des porte-clefs: un Hello Kitty pour madame et un autre à l’effigie des Giants de Yomiuri, l’équipe locale de baseball et l’une des plus populaires du Japon, pour monsieur!
La mystérieuse hôtesse retourne au volant de sa petite Toyota et nous file son numéro de téléphone, nous demandant de la rappeler dans 24 heures. Apprenons tout de même qu’elle se nomme Mitsouko. Poursuivons et pédalons vers la baie de Tokyo et la jungle urbaine qui la borde. En route, ne cessons de nous interroger sur les motifs qui animent la sympathique femme. Imaginons qu’un interprète sera au bout du fil pour nous éclairer…

Appelons Mitsouko dans les délais requis mais pas d’interprète au bout du fil. Pas certains qu’elle ait compris grand chose, pas plus que notre position…déjà que la communication a été interrompue par une pénurie de yens dans l’appareil public! Malgré ces difficultés, elle se lance à nos trousses en voiture et parvient à nous retrouver. Elle nous donne rendez-vous au cap Futtsu, une halte que nous avions prévu effectuer, et nous y rejoint avec un sac de petits cadeaux—cette fois, il s’agit d’une série de minidictionnaires anglais-japonais illustrés. Passons quelques moments ensemble au sommet d’une étrange pyramide d’observation puis Mitsouko nous quitte, nous remet à la route avec grande effusion. En continuant vers le petit port de Kanaya où un traversier relie la péninsule de Miura, de l’autre côté de la baie, juste au sud de Tokyo et Yokohama, touchés et secoués par les derniers développements, continuons de nous interroger sur les motifs qui animent la sympathique femme…

Arrivons à Kanaya à temps pour la dernière traversée de la journée. Franchissons la baie de Tokyo avec dizaines de salarymen revenant d’une journée de négociations ou détente sur les verts de l’un des nombreux terrains de golf de la préfecture de Chiba. Débarquons à Kurihama, sur la péninsule de Miura, et gagnons l’ancienne capitale de Kamakura, résidence du plus grand Bouddha de bronze et nombreux temples zen. Entre Kamakura et la ville d’Odawara, le long de la baie de Sagami, côtoyons ses surfeurs à nouveau: roulons sur nos coups de pédale de l’automne 2006!

Dans un resto kaiten-zushi d’Utsunomiya, technologie japonaise au service de la gastronomie rapide ou l’art d’appeler les sushis et sashimis vers soi du bout des doigts sur mini-écran tactile!
Nous re-pédalons les mêmes kilomètres dans l’espoir de pouvoir contempler le mont Fuji couvert de neige et, avec un peu de chance, le photographier avec sakuras fleuris à l’avant-plan! Mais cette fois, au lieu de passer par Odawara, Hakone et le lac Ashino, stations de la légendaire route de Tokaido, quittons la baie de Sagami juste avant Odawara pour remonter le cours de la rivière Sakawa jusqu’aux cols Myojin et Mikuni.

La descente vers le lac Yamanaka, l’un des Fujigoko ou 5 lacs du mont Fuji, frigorifie. Et sous un ciel gris, pas de Fuji! Contournons la base du volcan sacré jusqu’à la ville de Fujiyoshida où campons aux abords de sa halte routière high-tech, michi-no-eki. Comme Fuji a toujours la tête dans les nuages et que les cerisiers commencent à peine à bourgeonner, descendons de notre perchoir et allons réintégrer le printemps dans la plaine de Kanto où nous attendent nos «vieux» amis Toshiko et Masaya, du côté de Saitama.

Sommes initiés à une autre session d’épicurisme nippon signée Miyoshi Masaya, notre salaryman préféré, et quittons la mégalopole par l’une de ses artères principales, la Nationale #4. Mettons le cap vers le nord et le volcan Nasu-dake, à l’autre bout de la plaine de Kanto. Faisons escale à Utsunomiya, établissant nos quartiers généraux au parc du mont Hachiman, en plein coeur de la ville. En rédigeant à la bibliothèque du centre international de la préfecture de Tochigi, sommes invités par son directeur à prendre un verre dans un izakaya, espèce de pub japonais prisé des salarymen, ce qui donne lieu à d’autres joyeuses libations!

Quittons la Nationale #4 pour nous hisser jusqu’au plateau Nasu, prenant le temps de nous reconstituer dans les sept fameuses sources thermales de Nasu-Yumoto qui bouillonnent sur les flancs du volcan. Une légende locale raconte qu’un cerf aurait guéri ses blessures en trempant dans l’une d’elles, Shika-no-yu, et qu’un rocher gisant parmi fumerolles et mares toxiques se trouvant un peu plus haut sur le Nasu-dake, Sessho-Seki, serait un avatar du démon renard à neuf queues, important personnage de la mythologie japonaise repris à la fois par la littérature manga et les jeux vidéo Pokémon. Bien qu’avons été incapables de nous immerger quoi que ce soit dans la dernière piscine de Shika-no-yu, pas même un bout d’orteil—la température de l’eau laiteuse est constante à 45°C!—, ce bain nous aura été bénéfique et avons poursuivi notre ascension vers le plateau. Décidons de nous installer pour la nuit sur les ardoises d’un belvédère surplombant un ravin qui descend du volcan. À peine sommes-nous assoupis que des rafales d’une force inouïe nous obligent à battre en retraite et ériger notre camp entre les toilettes et un kiosque de souvenirs/snack bar de l’autre côté de la route, en face du stationnement du belvédère.

Les vents qui s’acharnent toujours sur le plateau au réveil nous mettent des bâtons dans les roues et enveloppent le sommet du Nasu-dake de nuages lourds et froids. Quand même parvenus au point le plus élevé de la route, le parking d’une station de ski, faisons une croix sur un p’tit trek qui nous aurait conduits derrière ce collectif volcanique, au cratère Chausu-dake, l’auteur des éruptions les plus récentes, et nous lançons sur la Volcano highway. Il en coûte 140 yens—environ $1,25—pour pédaler sur cette route de montagne à péage qui permet de poursuivre plus au nord et offre des vistas spectaculaires sur la gang du Nasu-dake. Comme ils ne sont pas au rendez-vous et que les prévisions de l’agence météorologique du Japon ne sont pas favorables, passons à la préfecture de Fukushima et filons vers Aizuwakamatsu en nous balançant sur des petites routes tortueuses et sympathiques. Et dans le fond des vallées ainsi que dans la ville historique, les sakuras éclatent de rose…

Légende des photos:

1:Dans un resto kaiten-zushi d’Utsunomiya, technologie japonaise au service de la gastronomie rapide ou l’art d’appeler les sushis et sashimis vers soi du bout des doigts sur mini-écran tactile!

2: Fierté de la ville d’Aizuwakamatsu, encerclé de douves et sakuras, le château de Tsuruga, érigé en 1384, était la place forte du clan Aizu. Un siège de l’armée impériale en 1868, lors de la restauration Meiji, aura eu raison de l’institution féodale et ses samouraïs. On l’a reconstruit en 1965.

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http://www.velo-concept.com/?pg=galerie&cat=Cyclovolcanique&cnt=30&l=3&lang=

Par Pierre Bouchard et Jannick Lemieux

Le JDC:01/2009
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