Plaidoyer pour le vélo: Christophe Najdowski, Maire adjoint de Paris

Non polluant, silencieux, bon pour la santé et l’économie, peu coûteux et rapide, le vélo devrait être la solution privilégiée pour les déplacements du quotidien. 64% des trajets domicile-travail en France de moins de 3 kilomètres sont effectués en voiture. Plus généralement, un trajet en voiture sur quatre fait moins de 3 kilomètres. Dans les agglomérations, cette part monte à 4 trajets sur 10. Autant de trajets qui pourraient aisément être faits à vélo.

Pourtant, la France est à la traine par rapport aux pays nordiques aux climats autrement plus rigoureux. Seuls 4% de la population sont des cyclistes réguliers, contre 23% au Danemark. La faute à un manque criant de volontarisme politique.

Le vélo, un choix de vie, un choix de ville… et de campagne!

Les politiques cyclables doivent devenir les clés de voûte d’un nouvel aménagement du territoire. Même en zone peu dense, la moitié des déplacements fait moins de 5 kilomètres. Dans ces territoires ou dans les villes à reliefs tourmentés, l’utilisation du vélo à assistance électrique peut permettre d’aplanir les collines et de raccourcir les distances. Facile à transporter, le vélo s’avère également un outil très efficace pour penser l’intermodalité avec des modes de transports plus écologiques et capacitaires.

Le vélo constitue le creuset d’une réinvention de nos territoires

Pour (re)mettre en selle la population, il convient prioritairement de rendre ce mode de déplacement plus sûr, l’insécurité étant aujourd’hui considérée comme le frein numéro un à l’adoption d’une pratique cyclable. Les recettes sont mises en œuvre dans plusieurs villes (Paris, Strasbourg, Grenoble, Bordeaux, Nantes,…) : apaisement de la circulation par la multiplication des zones 30, aménagement d’infrastructures cyclables qualitatives séparées des trafics automobile et piéton, construction de continuités cyclables inter et intra-urbaines. Ces axes forts d’une politique en faveur du vélo doivent enfin s’imposer.

Par-delà les aménagements dévolus aux mobilités cyclables du quotidien, le vélo constitue le creuset d’une réinvention de nos territoires.

Aujourd’hui, c’est tout un panel de modes de déplacements qui fleurit grâce au vélo et permet d’espérer un changement de paradigme sur le long terme.

L’économie du vélotourisme est en constante progression et concourt à l’attractivité régionale

En zone urbaine dense, le secteur de la logistique urbaine gagnerait ainsi à être investi par le vélo qui constitue un formidable levier écologique et économique d’acheminement des marchandises. Traditionnellement assurées par des véhicules utilitaires diesel, bien des livraisons peuvent aujourd’hui être réalisées par des vélo-cargos qui se substituent ainsi aux myriades de camionnettes et de scooters polluants : nombre d’acteurs se sont déjà engagés sur cette voie!

A l’heure où les villes moyennes et la ruralité sont confrontées à une métropolisation dont elles sont parfois exclues, le vélo peut aussi devenir un levier pour redynamiser ces espaces et les mettre en valeur. Les chiffres l’attestent : l’économie du vélotourisme est en constante progression (+8% de chiffre d’affaire entre 2016 et 2017) et concourt à l’attractivité régionale. C’est notamment le cas de la « Loire à Vélo », itinéraire de cyclotourisme le plus fréquenté de France, qui a généré près de 30 millions d’euros de retombées économiques directes. Au niveau européen, la conception de quinze véloroutes sillonnant l’Europe illustre parfaitement ce potentiel.

Faire avancer écologie et social en tandem

Un changement radical des mobilités et des comportements suscite forcément des craintes et résistances d’une part de la population, qui y verrait la fin d’une époque. L’enjeu maintenant n’est pourtant plus de savoir si l’on est pour ou contre la transformation, mais plutôt si celle-ci sera subie ou choisie. L’adoption de politiques cyclables volontaristes constitue une réponse pragmatique : bien davantage que la voiture individuelle, le vélo est un moyen de se maintenir en forme, de réduire les inégalités de mobilité tout en répondant aux enjeux de santé publique.

Copenhague, ville modèle quand il s’agit de parler vélo, estime à 230 millions d’euros ses économies en frais de santé grâce à la pratique du vélo qui permet de faire baisser la pollution et de maintenir les habitants en forme en luttant contre la sédentarité, puisque contrairement à la voiture, aux deux-roues motorisés, ou encore aux trottinettes électriques, il s’agit d’un mode de déplacement actif. Stefan Gössling note ainsi dans les colonnes du magazine EcologicalEconomics, que « chaque kilomètre parcouru à vélo coûte 8 centimes à la collectivité, contre 50 centimes en voiture ». Ainsi, il est estimé qu’au niveau européen, le vélo engendre 150 milliards d’euros de retombées économiques par an, alors que la pollution coûte chaque année autour de 67 milliards à la collectivité.

Par ailleurs, l’urgence climatique n’est pas à détacher de la détresse sociale dans laquelle se trouvent de plus en plus de personnes précaires, qui subissent aujourd’hui une mobilité contrainte par la hausse des frais des déplacements motorisés. C’est d’ailleurs ce constat qui a poussé nombre de citoyens à manifester sous ce mot d’ordre : « fin du monde, fin du mois, même combat! ». A ce défi de l’inclusion sociale aussi, le vélo peut répondre. En effet, le budget réel que représente la possession d’une voiture individuelle, entre 400 et 700 euros par mois, ne peut rivaliser avec celui d’un vélo, dont l’achat se chiffre en France en moyenne à 460 euros et dont les frais d’entretien s’avèrent minimes. Faire avancer écologie et social en tandem est une nécessité ; mener une politique cyclable ambitieuse en est un des moteurs.

« A la politique des petits pas, il faut substituer celle des coups de pédale »

Face à l’urgence climatique, il est urgent d’abandonner la politique des petits pas pour adopter celle des coups de pédale. Mille plans vélos doivent s’épanouir, au niveau européen, national, régional, départe-mental et municipal. Comme l’expert des mobilités canadien Brent Toderian le rappelle, « on ne mesure pas l’utilité de construire un pont en comptant les gens qui traversent la rivière à la nage » ; de même, on ne (sous)-dimensionne pas les infrastructures cyclables en ne tenant compte que du trafic automobile. C’est l’offre d’aménagements cyclables qui rend possible le report modal vers le vélo et limitera de ce fait les émissions de gaz à effet de serre.

Ainsi, à Barcelone, les nombreux aménagements de pistes cyclables et l’introduction de Bicing, un système de location de vélos en libre-service, a permis à la ville de réduire ses émissions de 9.000 tonnes de CO2 par an et de faire reculer la pollution. A Copenhague, première ville à viser la neutralité carbone d’ici 2025, les déplacements à vélo ont dépassé ceux effectués en voiture. Dans le contre-la-montre engagé, ne pas considérer le vélo comme la solution serait insulter l’avenir.

Tribune de Christophe Najdowski dans le JDD

CPT.com

06/2019